Confinement : on vous explique ce qu’est le syndrome de la cabane qui inquiète les psys et comment l’éviter

Confinement : on vous explique ce qu’est le syndrome de la cabane qui inquiète les psys et comment l’éviter

Effet collatéral des confinements successifs, certaines personnes ne veulent plus sortir de chez elles et craignent le déconfinement. Les psychologues l’appellent le “syndrome de la cabane”. Ils s’efforcent d’accompagner leurs patients pour leur réapprendre à vivre à l’extérieur.


Le "syndrome de la cabane" guette en particulier les étudiants longtemps isolés à cause du confinement.
Le “syndrome de la cabane” guette en particulier les étudiants longtemps isolés à cause du confinement. © Vanessa MEYER, MaxPPP

Après plus d’un an crise sanitaire, beaucoup d’entre nous ne rêvent que d’une chose : reprendre une vie normale, sans confinement ni couvre-feu. Beaucoup, mais pas tous. A la suite des confinements successifs, certains ont développé le syndrome de la « cabane ». Attachés à leur lieu d’enfermement, ils ne veulent plus en sortir, ils ne veulent pas se déconfiner.

Un nouveau trouble anxieux

Dans ce cabinet de psychologues de Reims, les consultations de patients atteints du “syndrome de la cabane” ont beaucoup augmenté. Or, la majorité d’entre eux allait très bien avant les confinements. Seuls 20 % présentaient des problèmes de comportement comme des crises d’angoisse ou des TOC, des troubles obsessionnels compulsifs. 

Ceux qui consultent se sentent fragilisés, ils se sentent différents depuis la mise en place de l’urgence sanitaire avec masques, gestes-barrière, alternance de confinements, de couvre-feux et développement du télétravail. Ils ne se reconnaissent plus, se surprennent à pleurer sans raison apparente, renoncent à sortir. “En fait, le confinement fait émerger des petites détresses enfouies ou refoulées, explique Viola Choain, psychologue clinicienne établie à Reims. Il s’agissait parfois de troubles légers comme la timidité, des problèmes avec les contacts sociaux, de difficultés à s’insérer dans un groupe de travail, au lycée ou à l’université.” Avec des conditions de vie bouleversées, ils développent peu à peu le “syndrome de la cabane”.

“C’est le syndrome de la cabane, ou le syndrome de l’escargot ou le syndrome du prisonnier, explique la psychologue, ce syndrome touche des personnes de tous les âges et de tous profils. Insidieusement, elles se renferment, s’isolent chez elles, et n’ont plus envie de sortir, d’affronter le monde extérieur.”

Attaché à sa prison

C’est un syndrome qui finalement n’est pas nouveau. Il a été très bien observé chez les détenus libérés, après une longue captivité. Certains ont bien du mal à se réadapter à la vie extérieure. La prison représentait leur zone de confort, le monde extérieur est associé aux dangers. Ce syndrome se traduit par la peur de sortir de leur cocon, même si c’est un lieu d’enfermement, même si c’est la prison.

Le “syndrome de la cabane” qu’éprouvent des personnes est proche de cette angoisse que peut ressentir un prisonnier libéré. Ce n’est pas une maladie psychiatrique, mais un trouble anxieux. Cet état émotionnel est a priori transitoire. Les symptômes sont identifiés : fatigue, perte de motivation, peur de sortir. Sans prise en charge, cela peut amener à la dépression.

La peur des autres

Le domicile est devenu le refuge, l’extérieur un océan de menaces et la peur des autres se répand. La réduction de la vie sociale est vécue par certains comme une libération. Viola Choain écoute ses patients pour mieux les aider, comprend leurs réactions. Spécialisée dans les relations de travail, elle perçoit ce qui s’inscrit en filigrane : “pour ces personnes qui avaient des difficultés à gérer leurs relations sociales, pour lesquelles engager ou s’inscrire dans une relation exigeait à chaque fois un effort, de prendre sur soi, le confinement est une bénédiction. Il leur a facilité la vie. Avec le développement du télétravail, plus besoin de faire semblant, d’affronter ses supérieurs au travail, ses collègues. Les interactions sont réduites au minimum. Plus besoin de rentrer dans un moule”.

Pour le salarié bloqué devant son écran d’ordinateur, même l’apparence perd de l’importance. Il n’est plus obligatoire de s’appliquer à respecter les codes vestimentaires. Seul le haut du corps est visible. Le bas est détaché du paraître. Les costumes et autres vestes restent sur les rayons des vendeurs, devenus inutiles. Les autres sont loin, virtuels, on n’est donc plus obligé de les rencontrer. Peu à peu, certaines personnes ont tendance à s’isoler et à couper leurs relations sociales. Elles sont seules, ou dans un groupe réduit à leur famille proche, et ne voient plus personne. Elles doivent réagir. Se faire accompagner, si nécessaire.

Beaucoup connaissent des déprimes et remettent tout en cause : leur choix d’études, leurs choix professionnels. Ils n’ont même plus envie de sortir.

Viola Choain, psychologue

Les jeunes en détresse

C’est une lapalissade de penser que le confinement est encore plus dévastateur pour ceux qui se retrouvent dans des logements exigus, sans argent, sans famille et parfois même sans amis. C’est le cas de certains étudiants ou jeunes travailleurs. “Toute leur vie est compromise, constate Viola Choain, ils n’ont plus la possibilité de sortir, d’échanger, de faire la fête, de faire des rencontres amoureuses. Beaucoup connaissent des déprimes et remettent tout en cause : leur choix d’études, leurs choix professionnels. Ils n’ont même plus envie de sortir.”

Pour les aider à en sortir, l’université Reims Champagne-Ardenne (URCA) a mis en place un dispositif qui permet aux étudiants de bénéficier de trois à six séances chez un psychologue, prises en charge par l’URCA. L’étudiant ne paye rien. Il suffit d’avoir une ordonnance d’un médecin généraliste ou de la médecine préventive de l’université. Le prix de la consultation est réduit, trente euros la séance, c’est deux fois moins cher que le prix habituel. Viola Choain a immédiatement accepté. « J’avais déjà envisagé de faire un tarif très réduit pour les étudiants en précarité. Du coup, je suis rentrée dans le dispositif sans hésiter, même si je gagne moins d’argent. »

"Tout le monde a constaté qu’une heure de visioconférence est bien plus épuisante qu’une heure de réunion en présentiel."
“Tout le monde a constaté qu’une heure de visioconférence est bien plus épuisante qu’une heure de réunion en présentiel.”© Catherine Linder-Collinet. France Télévisions

Libérés des contraintes, protégé dans son logement tel l’escargot dans sa coquille, comment revenir à la vie d’avant ? Doit-on regretter ce temps où l’on fonctionnait parfois comme des automates, où l’on vivait ses jours en accéléré, sans profiter de la vie ?

Pour certains, le confinement a été une libération. Fini le bruit, les transports, les salles d’attente, les supermarchés. Plus besoin d’organiser sa vie avec minutie pour parvenir à tout gérer, la maison, le travail, les enfants, les activités, les sorties, les relations sociales, l’aide aux parents. Avec le confinement, beaucoup d’obligations sont devenues impossibles à honorer. Mais à quel prix ? 

Tout reste à inventer. La crise sanitaire a permis une remise en cause de nos façons de vivre, de nos relations sociales, de nos priorités. Chacun devra faire le tri entre ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas. La vie va reprendre, les relations sociales également; chacun doit réussir sa métamorphose. Et si, au fond, l’essentiel était de préserver les relations humaines ?

La dysmorphophobie, qu’est-ce que c’est ? Une psychanalyste nous explique

La dysmorphophobie, qu’est-ce que c’est ? Une psychanalyste nous explique

Capture Instagram / kunstundfaser

Par Aurore Esclauze – Néon – Publié le 1 août 2018

https://www.neonmag.fr/la-dysmorphophobie-quest-ce-que-cest-une-psychanalyste-nous-explique-513550.html

Lili Reinhardt, qui joue Betty Cooper dans Riverdale, a créé la polémique en parlant publiquement de la dysmorphophobie dont elle souffre. On a demandé à Cristina Lindenmeyer, psychanalyste, de nous en dire plus sur ce trouble psychique.

 

NEON : Qu’est-ce que la dysmorphophobie exactement ?

Cristina Lindenmeyer, psychanalyste et maître de conférence concernant le rapport au corps : La dysmorphophobie est le fait d’avoir une fausse perception d’une partie de son corps. C’est un trouble psychique et pas une maladie. La personne se met à faire une fixation sur une partie de son corps (le nez, la peau, les seins, la tête…). Elle les voit différents de ce qu’ils sont vraiment. En réalité, c’est sur cette partie du corps que se concentre toute sa souffrance psychique. Cela vient d’un mal-être bien plus profond.

La dysmorphophobie est un terme qui devient de plus en connu, mais malheureusement il est utilisé à tort et à travers. Ce n’est pas un diagnostic définitif : dire que quelqu’un souffre de dysmorphophobie ne le condamne pas à en souffrir pour toujours. D’ailleurs, n’importe qui peut en souffrir pendant une période. Elle apparaît souvent à des moments de transition dans la vie, où notre corps change (puberté, ménopause…).

Pourquoi ce trouble se développe-t-il ?

Cela vient de la construction de l’image de soi, qui est faite entre 0 et 2 ans et demi. On ne s’en rappelle pas, mais si à ce moment-là, on s’est construit une image de soi fragile pour x ou y raison (parent absent, déprimé par un deuil…), on est susceptible de faire face à ce trouble dans des moments où notre corps change. Il est notre première possession, mais on en prend conscience uniquement grâce au regard de notre entourage lorsque l’on est très jeune. C’est par le regard de l’autre que l’on construit son image de soi. Quand notre corps devient étranger parce qu’il change (puberté, grossesse…), le récit que l’on s’est construit et l’image de soi que l’on s’est façonnée est perturbée. C’est là que le trouble dysmorphophobique risque de se développer.

Est-ce que ce trouble peut conduire à l’anorexie (où, souvent, on se voit plus gros que l’on est) ?

Non. C’est plutôt que l’anorexie contient ce trouble. On se voit différent de ce que l’on est quand on souffre d’anorexie, mais on n’est pas forcément anorexique si l’on souffre de dysmorphophobie. Ce trouble psychique existe aussi dans l’obésité, par exemple. Après une chirurgie bariatrique, il faut se réapproprier ce corps qui a cessé d’être gros. Beaucoup se voient encore obèses après avoir été opérés.

Les réseaux sociaux jouent-ils un rôle dans l’apparition de ce trouble ?

Non, pas du tout. Le trouble peut s’y révéler, mais pas y être créé. Ce ne sont pas les images que l’on partage de soi ou les images partagées par les autres qui créent cette image biaisée de soi-même. Le trouble est présent bien avant tout ça.

Comment se soigner de la dysmorphophobie ?

Il faut aller consulter un psychologue pour faire un travail d’analyse et aller à la racine de la souffrance. Si votre dysmorphophobie est sur votre nez, ce n’est pas en faisant une chirurgie que le problème sera réglé. La dysmorphophobie va se déplacer sur une autre partie de votre corps. Vous vous direz, tiens mais en fait mes hanches sont énormes ! Ou alors, autre cas de figure, la dysmorphophobie va rester sur votre nez et même refait, vous le trouverez affreux. Vous serez déprimé, voire tomberez en dépression. Ce trouble n’est pas juste un complexe, mais un mal-être profond. Si on traite uniquement le symptôme, la souffrance ne fera que se déplacer.