Pourquoi la pollution lumineuse est un fléau pour le cerveau humain
Entre un manque de sommeil et un syndrome dépressif, la lumière artificielle a un impact important sur la santé.
Par Marie Boetti – Huffpost – 19 août 2018
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SANTÉ – Depuis le 1er juillet, les enseignes commerciales doivent être plongées dans le noir entre 1 heure et 6 heures du matin. La raison? La pollution lumineuse. Vous savez, toutes les sources d’éclairage qui dérangent l’obscurité de la nuit, mais qui perturbent aussi votre sommeil.
Une réalité inquiétante puisque que 83 % de la population mondiale vit sous un ciel altéré par les différents types d’éclairages publics, selon l’étude publiée dans la revue Science Advances en juin, “Un nouvel atlas mondial de la luminosité artificielle du ciel nocturne”. En effet, seulement 40 % des Européens peuvent admirer la Voie lactée aujourd’hui.
En plus d’être un problème économique et écologique, la pollution lumineuse s’avère dangereuse pour la santé. Comme l’explique le docteur Marc Rey, responsable du Centre du sommeil à l’Hôpital de la Timone à Marseille, au HuffPost, “elle peut être responsable d’une dépression, d’une prise de poids ou d’une perte de mémoire“.
Tout repose sur le sommeil
Les troubles évoqués par le docteur Marc Rey, auteur du livre “Quand le sommeil nous éveille“, sont caractéristiques d’un manque de sommeil évident. Les lumières artificielles altèrent notre horloge biologique. L’hormone sécrétée quand il fait nuit, la mélatonine, va être la principale victime de la pollution lumineuse. Sa sécrétion s’arrête quand le jour se lève et donc quand le ciel est bleu.
Cette lumière émise par le soleil est aussi diffusée par les lampes à LED et les écrans. C’est ce que l’on appelle la lumière bleue, et qui recrée en quelque sorte l’effet de la lumière du jour.
Ainsi, si vous regardez un film ou une série sur votre ordinateur le soir, le cerveau comprend qu’il est temps de se lever, à cause de la lumière bleue. Elle envoie un faux signal à la mélatonine. Votre endormissement va donc être retardé. Les adolescents sont encore plus touchés, car leur hormone du sommeil se manifeste de manière très lente lors de la puberté.
Pourquoi est-ce problématique? Le lendemain, vous allez vous retrouver en privation de sommeil, comme le prouve une étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Science en décembre 2014. Une baisse d’énergie se manifestera, tout comme d’autres effets négatifs.
De fait, une dépression peut être causée par le fort déséquilibre que subit le système hormonal. Ce même dérèglement peut entraîner des pertes de mémoire et de l’attention. L’appétit augmente considérablement, ce qui peut provoquer une prise de poids. C’est pour cette raison qu’il y a “plus d’obèses chez les gens qui travaillent la nuit que chez ceux qui travaillent le jour“, affirme le spécialiste.
Est-ce une fatalité ?
En soi, non. Il est possible d’adopter quelques habitudes pour limiter les effets de la pollution lumineuse. L’une d’entre elles est d’activer l’option “filtre de lumière bleue“ ou une application qui possède la même fonction sur votre smartphone ou iPhone, comme Twilight. Des outils qu’a recommandés le chronobiologiste de l’Inserm, Claude Gronfier, en 2016. Mais, attention: pour l’instant, aucune étude n’a été menée sur l’efficacité de ces options.
Il existe également des lunettes filtrantes, correctrices ou non, que l’on peut se procurer chez un opticien. Le seul bémol est le reflet violet qui apparaît dans les verres lorsque vous les portez.
Mais, idéalement, il faudrait arrêter de regarder les écrans une heure avant de se coucher, selon le chef du Centre du Sommeil. “Vous pouvez également porter un masque de sommeil pour bloquer les éclairages extérieurs”, conseille le docteur Marc Rey.
“La télévision représente une nuisance visuelle et sonore“, insiste Marc Rey. Il recommande alors de s’asseoir sur une chaise. Ainsi, dès que vous vous endormirez, vous tomberez littéralement de fatigue et le choc vous réveillera. Autre technique, moins douloureuse cette fois, prévoir une alarme pour que l’appareil électronique en question s’éteigne tout seul à une certaine heure.
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Évidemment, ces astuces sont difficiles à transposer pour les personnes qui exercent un travail de nuit. Pour elles, la solution est en partie entre les mains des gestionnaires de lampadaires. Sauf que, en accord avec la législation européenne qui interdit les ampoules halogènes à partir du 1er septembre 2018, de plus en plus d’éclairages à LED sont introduits… la lumière bleue avec. Cette dernière crée certes une luminosité plus confortable pour l’œil humain, mais elle n’est en rien une réponse au dérèglement hormonal que peuvent subir les travailleurs de nuit.
Le vrai problème, selon le docteur, c’est que “nos rythmes sociaux ne sont pas en phase avec nos rythmes biologiques”. Le corps humain est conçu pour dormir plus longtemps l’hiver. Pourtant, c’est la période où les gens travaillent le plus. La nuit tombe plus tôt. Donc, nous somme exposés plus longtemps à la pollution lumineuse. Le cerveau humain n’a donc pas le temps de récupérer et s’épuise progressivement.