Ce que jʼai appris en maigrissant contre mon gré.

Ce que jʼai appris en maigrissant contre mon gré.

Weight loss and scale – Tero Vesalainen via Getty Images

Par Suzy Alferez (Rédactrice freelance ) – HuffPost – Publié le 4 août 2018

https://www.huffingtonpost.fr/susy-alferez/ce-que-j-ai-appris-en-maigrissant-contre-mon-gre_a_23492261/

Avant de tomber malade, je considérais ma bonne santé comme allant de soi. Jʼétais vegan, et ne consommais que du bio. Jʼévitais les additifs et les conservateurs; je buvais scrupuleusement 2 litres dʼeau par jour. Je suivais un régime monodiète, principalement composé dʼaliments crus, sans sel ni sucre ou presque. Bref, jʼavais compilé toutes les bonnes pratiques récoltées çà et là en une sorte dʼhygiène de vie ultra-stricte, entièrement pensée pour mʼassurer un “corps sain”.

Jʼaurais dû profiter de nʼavoir mal nulle part, de bien résister aux microbes, dʼavoir si rarement besoin de voir un docteur. La santé était pour moi comme lʼélectricité: un luxe dont je nʼaurais jamais pensé venir à manquer. Franchement, je nʼaurais pas imaginé une seconde le cauchemar qui mʼattendait.

Cela fait aujourdʼhui plus de deux ans que la maladie a fait irruption dans ma vie. Dans ma recherche dʼun diagnostic, jʼai à peu près tout entendu: pancréatite, sclérose multiple, arthrite rhumatoïde, diabète — même lʼéventualité dʼun cancer a été mentionnée. Jʼai dû endurer épuisement permanent, maux de gorge récurrents, petites fièvres, douleurs, frissons, nausées, intolérances alimentaires, troubles digestifs, éruptions cutanées, poussées dʼacné, règles irrégulières, trouble dysphorique prémenstruel et anxiété. Les tâches les plus simples — ménage, lessive, vaisselle ou même le simple fait de mʼhabiller — devenaient une épreuve.

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Finalement, un test mʼa révélé la source de tous mes maux: le virus dʼEpstein-Barr, responsable de la mononucléose. Si jʼai dʼabord été soulagée dʼun diagnostic apparemment si anodin, avec le recul, il est clair que je me suis bien trompée.

Sous sa forme chronique, la mononucléose est associée à un risque accru dʼapparition de certains cancers, ainsi quʼà une flopée dʼautres maladies auto-immunes. Chez certains patients, la maladie reste mineure et guérit au bout de deux à quatre semaines. Malheureusement pour moi, jʼai hérité dʼune souche plus résistante. De pareils cas sont rares, et il nʼexiste aucun traitement.

Les conseils des médecins évoquaient ceux quʼon vous donne pour une bonne grippe: se reposer, éviter le stress, bien manger, sʼhydrater et “écouter son corps”. Ils mʼont aussi avertie: mon organisme pourrait mettre des mois, voire des années à reprendre le dessus sur le virus et à se rétablir progressivement. Il y a des jours avec, où je déborde littéralement dʼénergie, et des jours sans où je nʼaspire quʼà dormir.

Comprendre ne me servira pas à grand-chose à ce stade: le pourquoi, je ne le connaîtrai peut-être jamais. Ce qui compte pour moi, cʼest de me remettre sur pied, physiquement et mentalement.

La première victime de la maladie a été mon système digestif. Sous lʼaction du virus, jʼai développé un syndrome du côlon irritable (SCI) et une prolifération bactérienne intestinale. Quoi que je mange ou presque, je pouvais mʼattendre à des ballonnements atrocement douloureux, des vomissements, une diarrhée ou une constipation; trouver un aliment toléré par mon corps était un parcours du combattant.

Mon poids a vite chuté, passant de 50 à 40 kilos pour 1m52. Jʼai honte de lʼavouer, mais ma première (et brève) réaction à cet amaigrissement a été positive. Jʼétais certaine quʼil finirait par stopper, et quʼil me suffirait de quelques cookies pour me remplumer un peu — une idée des plus naïves, que je nʼai pas tardé à regretter.

En voyant la balance continuer à sʼaffoler et mes vêtements se faire trop grands, mʼobligeant à me fournir dans le rayon des enfants, je me suis mise à paniquer. Jʼétais à présent dangereusement amaigrie, et mon reflet dans le miroir devenait effrayant. Je ne remplissais plus mes habits; mes yeux étaient caves, mes joues émaciées, mes jambes comme arquées. Moi lʼancienne joggeuse, je passais à présent entre 10 et 14 heures à dormir et ne me déplaçais plus que de mon lit au canapé.

Pourtant, je nʼai pleinement réalisé la gravité de la situation quʼen croisant par hasard une ancienne patronne à moi, dans une rue bondée de New York. Elle mʼa regardée bien en face… sans me reconnaître, même lorsque je lʼai arrêtée. Ayant enfin réalisé qui jʼétais, elle semblait à peine oser me toucher, effleurant mon bras si jʼétais un petit oiseau fragile.

Dans lʼespoir de cacher mes clavicules et ma cage thoracique saillantes, jʼavais enfilé une robe très sobre à col haut — mais cela ne lʼa pas empêchée de me dévisager dʼun air dʼeffarement en me demandant des nouvelles de ma santé. Cette expression mʼa hantée bien après quʼelle mʼa quittée en mʼexhortant à prendre soin de moi. Cʼétait la première fois que je me voyais à travers les yeux de quelquʼun dʼautre.

Perdre du poids est généralement un choix, qui peut venir dʼune variété de raisons, mais je ne souhaiterais à personne de maigrir contre son gré. Des amis mʼont parfois dit en plaisantant quʼils aimeraient bien attraper un petit virus, histoire de se débarrasser de quelques kilos. Ces remarques légères mʼont mise hors de moi: je savais quʼils nʼauraient jamais souhaité une chose pareille sʼils avaient vécu ce que jʼai vécu, sʼils connaissaient cette angoisse, cette incertitude, cette chute de lʼestime de soi quʼon éprouve en voyant son corps perdre toute substance.

Les kilos ne sont pas quʼune histoire de silhouette: notre masse corporelle, cʼest aussi notre enveloppe protectrice. Mʼen trouvant totalement privée, je me sentais affreusement vulnérable, mise à nu. Jʼavais peur.

Mais dans le passé, jʼétais exactement comme ces amis à moi. Pour une personne valide, maintenir un poids stable peut être un combat de tous les jours, dilemme constant entre chips et légumes, séance de gym ou petit film sympa. Lʼidée de maigrir sans effort semble si facile et séduisante. Que dire dʼune société qui associe une telle pression aux critères de beauté que tomber malade pour être mince se met à paraître souhaitable?

Avec l’aimable autorisation de Susy Alferez – Photo prise lʼannée dernière pendant mon voyage de noces, après un rétablissement partiel et un retour à mon poids normal.

Aujourdʼhui, je suis heureusement remontée à 56 kilos. Ma santé digestive est bien meilleure: prolifération bactérienne sous contrôle, symptômes du SCI en cours de disparition. Au fur et à mesure que mon corps progresse dans sa lutte contre le virus, je parviens à réintroduire des aliments variés.

Autant vous dire que quand il me réclame des glucides, du sucré ou du salé, je nʼhésite plus une seconde à le contenter. Oui, si possible, je mange encore bio, local et vegan — mais je ne mʼinterdis plus aucun aliment jugé “mauvais pour la santé“. Jʼai appris à la dure ce quʼon ressent en perdant toute liberté de choix, nʼétant même plus capable de savourer un bol de glace. Alors au lieu de mʼimposer des limites, je profite à fond de tout ce que mon organisme supporte.

Grâce à la musculation — plus praticable que le cardio-training, qui reste un peu trop exigeant —, jʼai repris du muscle et des formes plus harmonieuses. Je sens ma force revenir jour après jour, et jʼadore ça!

Ces derniers temps, jʼai croisé une vieille amie que jʼavais vue pour la dernière fois dans ma pire période. Avec son franc-parler habituel, elle nʼa pas hésité à relever ce changement majeur, laissant quasiment entendre quʼelle me trouvait grosse. Mais vu mon bonheur actuel, il en faudrait bien plus pour me perturber. Jʼai préféré en plaisanter: “En fait de poids, jʼai surtout pris du peps!

Cette expérience mʼa forcée à revoir ma façon de penser et mes choix. On ne vous dira jamais assez comme il est essentiel dʼapprécier à leur juste valeur votre forme physique, votre corps tel quʼil est. Donnez-lui ce dont il a besoin!

Avec le recul, si je pouvais parler à la fille que jʼétais il y a deux ans, je lui offrirais ce conseil: “Cesse de te donner tant de mal, concentre-toi sur les choses et les gens que tu aimes et la chance dʼêtre assez en bonne santé pour en profiter.

Oh, et bien sûr, jʼoubliais: “Mange ce cookie! Mange tous les cookies que tu veux.”

Ce blog, publié à lʼorigine sur le HuffPost américain, a été traduit par Guillemette Allard-Bares pour Fast For Word.